La diversité, l’équité et le pouvoir de la différence

Par Cynthia Hansen,
Directrice générale de l’Innovation Foundation, The Adecco Group

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Si nos différences sont souvent passées sous silence, voire ignorées, elles constituent pourtant un ingrédient essentiel à ce qui nous fait évoluer. Dernièrement, la Society for Human Resource Management (SHRM) a décidé de supprimer l’équité de sa définition du concept Diversité, Équité et Inclusion (DE&I). Cette décision se veut stratégique dans une volonté de la SHRM visant à accélérer le changement holistique par l’inclusion.

À l’instar de nombreux professionnels des ressources humaines, cette décision m’a décontenancée. En effet, l’équité est fondamentale pour créer un environnement de travail juste et inclusif. Il s’agit d’instaurer des conditions équitables vis-à-vis des différences, et non de créer un environnement aseptisé. Il n’y a pas de diversité sans différences. Et c’est la diversité, au sens le plus riche du terme, qui favorise les confrontations d’idées constructives, qui remet en question les préjugés et cultive l’esprit d’innovation. Dit plus simplement, sans l’équité, on ne peut libérer tout le potentiel que recèlent nos différences.

Lorsqu’elles sont bâties sur les Normes internationales et portées par des entreprises ayant à cœur d’instaurer un environnement de travail épanouissant, les politiques de ressources humaines ont le pouvoir de façonner les lieux de travail inclusifs de demain.

S’affranchir des quotas

Bon nombre d’études ont qualifié et quantifié la valeur des équipes diversifiées, en mettant en avant les gains de productivité ou encore de part de marché. Mais je pense que cette approche n’est pas la bonne. Généralement, ce que l’on retient de ce type d’études, c’est que les entreprises devraient davantage diversifier leurs équipes en puisant dans les mêmes viviers de talents classiques. Si cette façon de faire peut réussir sur le court terme, elle perd en efficacité sur la durée.

En réalité, ce qui compte est que l’employeur s’affranchisse des quotas, des mandats, et qu’il adopte une approche plus expérimentale afin de composer des équipes diversifiées et de déterminer ce qui donne de bons résultats. Pour ce faire, il faut sortir des sentiers battus pour s’ouvrir à des viviers de talents non conventionnels, en valorisant une grande diversité de profils afin de créer un environnement épanouissant pour toutes et tous.

Dans le cadre du programme Women Back to Work, l’Innovation Foundation s’attache à trouver des moyens pour les femmes peu ou moyennement qualifiées de réintégrer le monde du travail après une pause dans leur carrière. Ce programme cible principalement les candidates présentant un parcours peu conventionnel, dont le profil est souvent écarté trop tôt dans le processus de recrutement. L’une de ces femmes, Gabriela, présente des compétences générales dans le domaine du service client, mais elle n’a jamais travaillé dans le secteur de l’hôtellerie. Cette lacune dans son CV disqualifie sa candidature dès la première étape de recrutement.

Si, de son côté, elle ressort déçue de ce nouvel échec de candidature pour laquelle elle n’a reçu aucune réponse, c’est en réalité l’employeur qui en ressort perdant en se privant de son talent. Il a laissé passer une occasion de bénéficier de l’expérience commerciale de Gabriela, de son sens du contact avec le public. Il a fait abstraction de ce que Gabriela a monté sa propre société de services de traiteur et de son expertise dans la création d’une entreprise en partant de zéro. Il n’a pas su apprécier la capacité de Gabriela à nouer des relations et à motiver une équipe avec son sens de l’empathie et du conseil.

Normaliser l’action en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion

Alors comment éviter de laisser des personnes comme Gabriela sur le bord de la route et faire qu’un employeur sache apprécier les compétences qu’elles ont à offrir ? C’est une belle idée sur le papier, mais en faire une réalité est une autre paire de manches. En effet, il est extrêmement difficile d’impulser un changement des habitudes et des comportements. Si les données peuvent aider à faire évoluer les mentalités, ce n’est qu’une partie de l’équation. Car c’est le cœur des personnes qu’il faut réussir à atteindre.

Le fait d’associer données et empathie peut suffire à changer le comportement d’un recruteur en particulier, mais changer tout un système est autrement plus complexe. Il faut mettre en place de nouveaux systèmes et processus, des mesures incitatives et des règles, mettre en valeur des exemples et des cas concrets. Un tel changement nécessite l’adhésion d’une masse critique d’employeurs qui modifient leurs approches et partagent leurs expériences, de sorte à faire émerger des modèles de référence venant abaisser les seuils de réplication.

C’est là que la normalisation peut intervenir et jouer un rôle majeur. En concevant et codifiant des modèles de réussite et en trouvant le bon équilibre entre responsabilisation et incitations, la normalisation peut contribuer à la généralisation de ces modèles. Ils sortent alors du mode expérimental pour devenir des enjeux concrets. Le comité technique de l’ISO sur le management des ressources humaines conçoit justement des Normes internationales qui permettent d’y parvenir. La norme ISO 30415, par exemple, fournit des lignes directrices complètes pour élaborer, mettre en œuvre et gérer la diversité et l’inclusion au sein des organisations.

Tenant compte du fait que chaque organisation a ses propres spécificités, cette norme présente les prérequis fondamentaux à la diversité et l’inclusion, des recommandations de mesures à prendre, les responsabilités pertinentes et les résultats politiques pouvant être escomptés. Les entreprises ont par ailleurs l’opportunité de faire la différence dès leur première rencontre avec leurs collaborateurs. Les employeurs attachés à suivre un processus de recrutement juste et inclusif et souhaitant créer une expérience positive pour les candidats peuvent s’appuyer sur les meilleures pratiques décrites dans l’ISO 30405.

Cela étant, l’instauration d’un environnement épanouissant ne se limite pas aux questions de DE&I et de recrutement. Il existe des Normes internationales, telles qu’ISO 45001, qui traitent de la santé et de la sécurité au travail, tandis que d’autres, comme ISO 45003, permettent aux organisations de gérer les risques psychosociaux au travail. Après tout, un lieu de travail ne peut être inclusif si la sécurité physique et psychologique des travailleurs n’est pas au rendez-vous.

Dépasser les différences

On peut voir l’équité comme une volonté d’instaurer des règles du jeu équitables, et les Normes internationales sont une aide pour déterminer les règles du jeu à appliquer. Dès lors que chacun se trouve sur un même pied d’égalité, une seule direction est à prendre : le haut. Si les équipes RH, les responsables de recrutement et les salariés peuvent collectivement façonner les lieux de travail inclusifs de demain, nous pouvons imaginer un avenir où les compétences sont appréciées en parallèle des certifications, où l’expérience professionnelle est valorisée en complément du parcours académique classique, et où la capacité à se former et à apprendre est la qualité première recherchée. Même un avenir où seules quelques-unes de ces ambitions se réaliseraient serait pour moi un avenir meilleur. Pour Gabriela. Et pour toutes les personnes confrontées aux mêmes difficultés.